Noctem et vous : Richard aime le mot Destin, mais c'est le seul point commun que ces deux-là partagent. Noctem est pour lui une sorte d'entité trop inaccessible pour qu'il daigne y accorder de l'attention. & puis entre nous, Noctem Fabula, ça se prête à de fantastiques jeux de mots.
Votre camp et vous : L'argent rentrant difficilement dans les caisses, Monsieur se doit d'entretenir de bonnes relations avec absolument tout le monde. Fabulas comme Soldiers sont grassement accueillis chez lui.
Votre degré d'engagement : Nul. Il est bien trop occupé à pondre des réflexions philosophiques en faisant caca, voyons.
Votre plus grande peur : Les bananes.

J’ai toujours voulu devenir sexeur de poussins. Savoir d’un coup d’œil, d’une caresse du pouce, si la boule jaune que je tiens deviendra un majestueux coq ou une élégante poule. C’est bien payé paraît-il. Apparemment, ça ne se résumait pas à tripoter l’organe, et vérifier si c’est une protubérance ou un petit trou. Non, c’était bien plus complexe que ça, qu’on m’a dit. Alors j’ai déchanté. C’est pas grave. Je deviendrai testeur de capotes, ou renifleur d’aisselles.

J’ai toujours envié les poussières. Me laisser mener au gré des vents, flotter dans les airs sans but précis. Mener une petite vie tranquille avec plein de potes, sous une armoire ou au-dessus d’une commode. Puis j’ai réalisé que je n’étais qu’une miette de biscotte. Un truc lourd, pas bien doux, qui gratte la peau. Quelque chose qu’on balaie d’un revers de main, à travers la table. Le genre à tomber de haut, avant de se faire aspirer le Dimanche. Plus que quatre jours avant que le Dyson ne vienne tous nous avaler. Alors on a un peu flippé. Mais cette nuit-là, une horde de cafards affamés est venue nous bouffer. C’était horrible. Un vrai génocide. Puis je me suis rendu compte que j’étais déjà mort. J’ai regardé les marques de mandibules sur le bas de mon corps rond et rugueux. Mort, que j’étais.

J’ai toujours adoré les oranges. Je m’en étais rendu compte quand on m’a demandé. Préfèreriez-vous être une orange ou une banane ? Bam. Le temps s’était arrêté. Et là une musique de film français est apparue de nulle part. Avec des violons et un xylophone. Mon subconscient m’a dit, d’un ton tout dramatique, comme s’il avouait qu’il avait le cancer, ou qu’il était homo, ou que j’étais une enveloppe charnelle non désirée : Richard. J’ai répondu : Oui ? Il m’a dit : tu kiffes les oranges. Alors j’ai marqué une pause. Comme pour appuyer la gravité du moment. J’ai cru sentir le vent me caresser la tempe, et une feuille morte s’écraser sur ma gueule. A ce moment-là, mes lèvres se sont machinalement actionnées. D’accord, j’ai dit. Bam. & le temps a repris sa course. Réflexion faite, c’est vrai qu’objectivement, les oranges c’était de la balle. J’aurais pu faire un plan en deux axes, pour étayer mon argumentaire. Une orange, c’est utile : tu peux râper le zeste, en extraire le jus, le manger en quartiers et même faire des sourires avec la peau. Puis rappelons que sa structure géométrique lui permet plein de choses : une sphère bordel. Une putain de sphère. Tu peux genre, utiliser ça comme un ballon, ou un jouet pour ton chat, ou une Pokéball. Ca constitue aussi un subterfuge efficace pour avoir de gros nénés. Soyons honnêtes, une banane ne sert qu’à faire sa chaudasse à la cantine, ainsi qu’à exécuter des gags surfaits. De plus, la laisser dépasser de ta braguette serait du plus mauvais goût. En somme, c’est un fruit qui prétend être ce qu’il n’est pas. Un fruit pas sincère. Non vraiment, je hais les bananes.

J’ai toujours pensé qu’on pouvait cerner une personne grâce à ses chaussettes. Les premières miennes étaient grises bleues à pois blancs. Elles se terminaient par une tête de poule qui dort. Ca ne veut rien dire mais j’ai pensé que ça ferait une bonne introduction. J’ai toujours regardé les chevilles de mon futur interlocuteur afin de savoir si je devais l’aborder de telle ou telle manière, au point de tenir un petit cahier rempli d’études statistiques et de coupures de journal sur le thème. Ainsi, par expérience, je peux vous dire que ceux qui portent des blanches en coton, avec une rayure noire ou rouge, sont à éviter. Surtout s’ils les portent par-dessus le pantalon, qui en général est un jogging. Ce sont pour la plupart ( car je ne généralise jamais voyons ) des personnes inintéressantes au tempérament agressif. Evitez également celles aux collants filés, sauf si votre libido vous dit le contraire. &, pour finir en beauté, privilégiez ceux qui arborent des rayées ou des grises bleues à pois blancs avec une poule au bout, ces gens-là ont beaucoup à vous offrir. Cela étant fait je pense avoir contribué à la recherche scientifique. J’attends avec impatience mon prix.

« Répète après moi fils : les Granny Smith ont un goût assez acidulé, sont très fermes, croquantes, juteuses, excellentes à cuire ou à croquer. Elles ont une peau relativement épaisse et sont appréciées en salade, car leur chair brunit moins vite que celle des autres variétés. »

C’était l’histoire d’un gars qui avait décidé que la moustache lui allait bien, ce qui expliquait pourquoi le dessus de ses lèvres était touffu. Il ne lui restait plus grand-chose dans la vie : il avait fugué d’un père un peu trop ivrogne et d’une maman un peu trop soumise, et quand il embrassait les minettes elles rigolaient tellement ça chatouille. La suite, il sait plus trop. Apparemment, il a enchaîné les petits boulots jusqu’à devenir primeur. Puis un jour une belle donzelle est venue et à tout chamboulé en lui. Elle n’aimait pas les moustaches, il l’a rasée. Elle était végétarienne, il a arrêté la viande. Alors le jour où quand il a été hospitalisé pour une méchante fracture elle lui a épluché ses pommes il en pleurait presque. Le fruit de leur amour qu’il disait. C’est ainsi qu’il a décidé qu’il ne vendrait que ça. Des pommes. Des jaunes des vertes des rouges. Une passion un peu étrange, un peu psychorigide. Ils ont compté fleurette un jour de Mai, puis Maman poule a pondu une nuit de Février. Un gros bébé, à ce qu’il paraît, charnu comme une Grand Richard, le poupon. Le Papa coq s’y voyait déjà, appeler fièrement son fils de son nom complet : Grand Richard Tell Granny Smith. Mais comme il n’était pas si grand que ça on l’a enlevé, et à ce moment-là les sages-femmes, Maman et les infirmières ont émis un soupir de soulagement.

« Fils, je vais bientôt mourir.
▬ Oh putain merde.
▬ Tu reprendras l’entreprise familiale.
▬ … Non.
▬ TA GUEULE, TU PASSERAS LE RESTANT DE TES JOURS A VENDRE DES PUTAINS DE POMMES OU JE TE MARAVE DUR. »

Petit Monsieur était tiraillé, sa mère était tombée amoureuse de son voisin gourou de secte, et son père, en l’apprenant, avait chopé une vilaine pneumonie contre laquelle son corps a semblé de pas vouloir résister. De l’autre côté, il était éperdument amoureux d’une petite caïd en ballerines aux semelles détachées. C’est alors que lors d’un bel après-midi où la maternelle était partie folâtrer dans la maison d’à côté, Richard avait décidé de dégainer sa plus belle plume pour écrire le plus beau billet jamais écrit de sa main. Maman, je me casse. Bisous. Il est alors parti vivre chez sa teigne, où il vécut sept jours inoubliables … Jusqu’à ce qu’il tombe sur des sites de porno lesbien sur son historique internet. Dégoûté, car il ne tombait que très rarement en amour, et empli de dédain, car une fille qui utilise Internet Explorer et ne connaît ni la navigation privée ni le vidage de l’historique de navigation ne le méritait tout bonnement pas ; il s’enfuit de chez elle pour vivre sous les ponts. C’est durant cette période de sa vie ( une semaine et demie ) qu’il s’improvisa philosophe éminent, et se lia d’amitié avec une bande de vingt-six chats consanguins, avant que la gendarmerie ne l’intercepte et ne le ramène à la maison.

L’amant de Maman l’a trompée pour une coréenne qui embrasse bien mieux qu’elle, c’est ce que la concierge raconte à tout le monde. Depuis, elle a sombré dans une sorte de léthargie : son emploi du temps se résume à dormir douze heures, manger de la soupe, déféquer, faire sa toilette, puis les comptes de la boutique, regarder en boucle des Disney avant de se rendormir. Smith Jr s’emmerde au comptoir de sa petite Pommelerie dont il a hérité, alors il écrit des traités de philosophie que personne ne lit. Il s’est essayé au coulage de la porcelaine, au sculptage des bois de cerf, avant d’inexorablement retourner vers le business de la Pomme.

C’est une vie bien pittoresque qu’il vivait, au fond.