Je rêve de ton corps, je rêve de ta bouche, je te veux près de moi, je veux que tu me touches.
▬ Biolay
C'était sentir son corps se tendre sous les caresses, les baisers, dans le fond des draps, dans la chaleur étouffante de la fin du jours et de leurs cadavres qui se cherchaient. C'était entre ses lèvres pincées une cigarette qui se balançait en recrachant des ronds de fumée, son regard sombre cherchant à soutenir celui de son amant, des doigts qui s'enfonçaient dans son dos, des soupirs qui remontent jusque à son oreille, son corps qui se fait plus dur quand son partenaire vient le chercher, quand chacun répondent aux coups de l'autre, c'était l'amour sale dans ses bras, dans ses insultes qui franchissent ses lèvres, les gémissements, le désir qui lui brûle les entrailles.
Quand tout se noie entre vous deux et que tu t'abats sur son corps.
Quand il ne reste que vos souffles trop rapides dans l'orange de dix huit heures.
Quand il le regarde, sans rien dire, longuement, après l'avoir trop aimé, caressant sa joue du bout des doigts, quand leurs lèvres se rencontrent, une nouvelle fois, quand ses mains viennent sur les hanches de son amant pour le retourner contre son corps, quand c'est les rôles qui s'inversent, et que dans un soupir il le supplie de ne pas s'arrêter.
C'était quand il n'y avait plus que vous dans ce monde de fous, puisque vous êtes damnés à vivre ainsi. Puisque vous ne croyez en rien. Puisque c'est son nom qui résonne à tes oreilles.FROM ANCIENT GRUDGE BREAK TO NEW MUTINY
WHERE CIVIL BLOOD MAKES CIVIL HANDS UNCLEAN
FROM FORTH THE FATAL LOINS OF THESE TWO FOES
A PAIR OF STAR-CROSS'D LOVERS TAKE THEIR LIFE
✞
— Est ce que tu crois en Dieu ?
— Et toi ?
— Dieu est mort.
Il rit.
Tu le regardes, sans rien dire, se relever, nouer sa cravate, l'air ailleurs. Toi, tu préfères t'enfouir davantage sous les draps encore nu, ta cigarette au bout des doigts, frôlant tes cheveux bruns. C'est peut être un des rares moments où tu vis, où tu sens ton existence, ton coeur battre contre ta peau, le sang glisser le long de tes veines, ton souffle qui soulève ton corps à chaque instant.
C'était un des seuls moments où dans l'oppression tu voyais ton humanité.
— Des mouches aux mains d'enfants espiègles, voici ce que nous sommes pour les dieux ; ils nous tuent pour s'amuser. Ce sont les étoiles, les étoiles tout là-haut qui gouvernent notre existence.
Il se retourne vers toi, et croise ton regard trop vert, trop gamin.
T'es con, Will. T'es con, et tu t'enfermes dans ta connerie d'illusion. Parce que toi comme lui, vous savez très bien que c'est faux, qu'il ne s'agit pas d'un dieu ou plusieurs, ni même d'étoiles. Il s'agit d'une seule personne.
Noctem Fabula. C'était bien lui qui gouverne vos existences.
Il soupire et se relève, se dirige vers la porte, d'un pas lent. Pose sa main sur la poignée.
C'est vingt trois heures. Tes draps sont encore chauds de lui.
— Pense à venir à seize heures, demain. Comme d'habitude.
Tu dis rien, continuant de soutenir son regard. C'est son parfum que tu portes sur ta bouche. Il y a un moment de silence. Puis tu te lèves, enroulé autour de cette couverture de soie, avançant ta maigre carcasse près de lui. Tu te plantes à quelques centimètres de son visage. Ton air vide le fixe, sans jamais ciller, presque comme si c'était de la fascination.
Tu poses ta main sur son cou.
Ce n'est pas une demande, ni une supplication, ou un simple désir d'adolescent pas assez aimé, non ; ta voix est ferme, cassante. C'est un ordre.
Tu ne lui laisses pas le temps de répliquer, venant te serrer contre lui, il a à peine le temps de paraître un tant soit peu surpris, cherchant ses lèvres dans un baiser que tu peines à maîtriser, ses doigts s'accrochant encore une fois à sa chemise, les siens glissant le long de ton dos, sur le tissu fluide. Encore une fois, il t'allonge contre son corps, pendant que tu réponds sans cesse à sa bouche, encore une fois, tu viens le chercher, longtemps, t'amusant de ses soupirs, de son corps qui se tend, encore une fois, tu le cherches, jusque au dernier moment, où il te prend dans ses bras pour te garder contre lui, pour venir en toi, jusque au moment où tes soupirs deviennent gémissements, où c'est son nom que tu supplies dans la nuit d'encre.
Friedrich.
✞
C'est un de ces jours où ça ne va pas.
T'es assis dans ta chambre, sur le sol, entouré de tes mégots et tes bouteilles vidées, des feuilles éparpillées ça et là, avec des mélanges de couleurs, des esquisses, quelques phrases écrites, parfois on distingue des traces de coups de pinceau donnés sèchement. Aujourd'hui, t'arrives à rien, ça t'énerve, t'as un projet à rendre mais tu fous rien, tu sais pas, tu doutes, ton coeur est serré, tu sens ton sang se faire plus chaud.
Ca fait trois jours que tu n'as pas de ses nouvelles.
C'est un tout qui se mêle. L'inquiétude. Le doute. L'incertitude. Les questions qui rongent ton être. Et qui te détruisent à chaque instant qui passe.
La porte s'ouvre à la volée, tu renverses tes pinceaux dans un sursaut, un juron passant à travers tes lèvres douces, dans une voix rauque, sèche. Tu te relèves instinctivement, regardant l'eau renversée sur une toile avec des traits indistincts, ébauche inachevée. Puis tu tournes ta tête vers lui, les traits tirés par la colère, la frustration, l'attente. Un tout.
Et Dieu, si seulement il savait à quel point son visage surpris te mettait hors de toi en cet instant.
— William...?
— Ca t'amuse, de te barrer comme ça, sans rien dire, et débarquer comme une fleur ici ? T'es venu pour quoi, t'avais personne à baiser ?
Tu ne le penses pas. Pas un seul instant.
T'avais envie qu'il vienne. Pire. Tu crevais d'envie de son corps, ses baisers, son regard, ses sourires, tout, tu crevais de manque de lui, tu crevais de manque de tout.
Tu sais plus rien maintenant qu'il est là. Tu te contentes de lui balancer tes feuilles, pinceaux, peintures, eau, tout ce qui te passe par la main à la figure, dans ta chambre, en hurlant des mots que lui même n'aurait pas soupçonné que tu connaissais, sans espoir de te calmer, abattant tes poings trop maigres, trop fragiles contre chaque partie de son corps que tu peux atteindre, jusque à qu'il t'attrape par les poignets, criant un
"ça suffit !" puissant, et de te plaquer contre un mur.
Tu ne peux t'empêcher d'éclater de rire.
— Alors quoi, qu'est ce que tu vas me faire, tu veux me frapper ? Je t'ai énervé peut être ? Alors ! Réponds moi, tu vas faire quoi, hein, partir, peut être, tu vas me laisser comme tu m'as laissé durant ces trois jours ? Allez, réponds moi, si t'as les couilles de le faire !
— Je pourrais peut être partir sans revenir, oui. Et te laisser mourir dans ton art de merde.
Tu te figes. C'est un tout qui tombe sur toi.
— Tu dis n'importe quoi. Tu pourrais pas.
Mais dans son regard, tu comprends que si. Après tout, qu'est ce qui l'en empêcherait ? Tes beaux yeux ? Ta voix insupportable, qui hurle ou gémit, ton corps trop cassé ? Pourquoi il resterait avec toi, puisque de toutes manières, des gens comme toi il y en a de partout ?
C'en est ridicule. Vous ne vous dites rien, durant quelques instants. Jusque à que à travers tes lèvres, tu lui dis
"lâche moi" doucement.
T'es violent Will. Tu sais pas te maîtriser. Tu sais faire quoi, te soumettre à l'oppression, montrer un semblant de rébellion à ce qui parait être à ton niveau. Détruire ce que tu possèdes. Accepter ton destin. Tu n'es rien, Will. Comme il dit. Tu es esclave. Esclave de ta propre faiblesse.
Doucement, la pression se relâche. Tu baisses les yeux. Tu le fuis.
— J'ai eu quelques soucis. C'est pour ça que j'ai pas pu venir avant. Je suis désolé.
Tu ne réponds pas. Ils sont beaux, les mots, que tu hurles au vent, pour blesser, lui faire mal, alors qu'au final ils sont inexistants. Ils sont beaux, les mots, que tu hurles pour le retenir, voir si il va partir, mais qui te tuent plus que lui.
Elle est belle, ta peur, que tu caches dans les cris, que tu crains de voir en lui et qui pourrait vous séparer. Elle est belle, ta peur, qui pourrait tout détruire, comme toi tu détruirait, du bout des doigts, de tes lèvres, de ta voix dans la nuit. Ta faiblesse qui vous bousille.
Tu murmures simplement un pardon. Il ne dit. Il se contente de te prendre dans ses bras, te garder contre lui, alors que ton corps tremble encore de tes cris. Tu caches ton visage dans son cou, ton souffle contre sa peau. Tes mains frêles viennent à leur tour contre son corps. Vous restez enlacés, un moment. Avant de vous regarder et de partager un baiser.
C'est comme ça, Will. T'es pas comme les autres, prêt à te battre dans la cité pour ta liberté. T'es pas comme eux, Will. Toi, tu te contentes de regarder et de subir.
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